Autour de l’aéroport régional de Telluride, aéroport commercial à l’altitude la plus élevée en Amérique du Nord, les sommets des Rocheuses du Colorado forment une véritable couronne. Hiver 2017. Un avion Global 7500 de Bombardier attend sur la piste isolée, le vent soufflant et sifflant autour de lui. À une altitude de plus de 9 000 pieds, la piste est pour le moins impressionnante. Un équipage de deux pilotes d’essai et d’un ingénieur d’essai en vol approche, ayant tout juste pris connaissance des données sur la sécurité du vol – rapport complet préparé par l’équipe de soutien pour s’assurer que l’avion est prêt pour les tests. L’heure est venue de faire ses preuves pour l’avion d’affaires le plus large et au plus long rayon d’action du monde.
Essais concluants
Fondée sur la sécurité et l’ingéniosité, l’équipe des essais en vol de Bombardier maîtrise l’art de guider de nouveaux avions à travers les rigueurs de la certification.
De Michael Stephen Johnson - 18 novembre 2019 - Photographie par Kacy Meinecke
Des modèles révolutionnaires comme le biréacteur Global 7500, avion phare de l’industrie, et les avions Global 5500 et Global 6500 de premier ordre, nécessitent des essais exhaustifs et exigeants : des milliers d’heures de vol, d’innombrables scénarios qui repoussent leurs limites et une équipe élargie et dévouée, à l’expérience et aux compétences étendues. Bien que l’unité soit basée au Centre d’essais en vol Bombardier (BFTC) de Wichita (Kansas), son travail l’amène à s’aventurer dans des lieux d’accès difficile comme Telluride pour aider le nouvel avion de la Société à obtenir sa certification.
Une autre façon de penser
Le BFTC compte 20 pilotes d’essai, provenant surtout de milieux militaires. « Il est essentiel qu’un pilote d’essai comprenne le contexte opérationnel de l’avion qu’il teste », explique Richard Ling, anciennement chef pilote d’essai adjoint au BFTC. « Notamment quand il s’agit d’un avion ou d’un système au début de sa phase de conception. » Contrairement aux pilotes de ligne, qui manient généralement des avions certifiés en respectant la procédure, les pilotes d’essai comme M. Ling sont ceux qui écrivent la procédure au départ.
« Ce qui exige une tout autre façon de penser », dit-il. « Parfois, pour obtenir les données voulues, nous pilotons un avion suivant un régime de vol qu’il n’a jamais connu auparavant. En même temps, il faut garder l’œil ouvert sur tous les aspects : Les conditions sont-elles sécuritaires? La procédure proposée fonctionne-t-elle? La conception respecte-t-elle les exigences de la réglementation? Et bien entendu, il faut l’intégrité nécessaire pour mettre fin à la procédure dès que quelque chose est anormale. »
L’intégrité est au cœur des programmes d’essais en vol de Bombardier. Lorsque l’avion Global 7500 a été certifié l’an dernier, il avait un programme rigoureux de 2 700 heures d’essais en vol sur 21 mois derrière lui. C’est presque 130 heures par mois – toute une réussite pour l’équipe. Entre les nouveaux règlements sur la sécurité et les plus grandes attentes des clients, la certification d’un avion aussi complexe et aussi perfectionné sur le plan technologique que l’avion Global 7500 a été un processus exigeant. Mais Richard Ling et son équipe aiment ce travail de longue haleine : « Ce sont les percées que nous avons réalisées dans les procédures d’essai et la technologie qui nous permettent de faire entrer toutes ces heures en seulement 21 mois », dit-il. « Avec toutes nos autres installations de simulation et bancs d’essai, au moment d’un essai en vol, nous avons affaire à une conception bien mûrie. » La plupart des programmes d’essais comptent environ 80 % de conception et d’évaluation au sol et seulement 20 % en vol.
Entre autres avantages, les pilotes travaillent en étroite collaboration avec les ingénieurs spécialistes et les ingénieurs d’essai en vol. Au moins un ingénieur d’essai en vol accompagne deux pilotes d’essai pour chaque vol – parfois, si la procédure d’essai comporte des risques particulièrement élevés, une équipe d’ingénieurs au sol de « contrôle de mission » utilise la télémétrie pour surveiller l’équipage, les communications et les données en temps réel. « Avoir un groupe qui surveille les paramètres d’un risque ou d’une procédure nous fournit de multiples points de vue, parfois même des perspectives que l’ingénieur d’essai en vol à bord ne peut fournir », indique David Behn, chef des essais en vol au BFTC.
Sécurité d’abord
La sécurité fait partie intégrante des principes du BFTC – tant pour le client que pour l’équipe des essais en vol. Les procédures d’essai sont soumises à une évaluation de sécurité approfondie qui cerne les risques et détermine les mesures destinées à les atténuer ou même à les éliminer en vol. « Si une procédure d’essai nous apparaît trop risquée, il faut alors trouver une autre façon de recueillir les données voulues », dit M. Behn. « Pas question de mettre l’équipage en danger. C’est pourquoi nous utilisons souvent la télémétrie, qui permet une surveillance et une supervision supplémentaires en temps utile. »
Les essais de la vitesse opérationnelle limite maximale de l’avion Global 7500 par l’équipe l’illustrent bien. Pendant un vol à des vitesses approchant Mach 1, toutes les ressources disponibles – tant à bord qu’au sol – ont été mises à contribution pour démontrer que la cellule tiendrait le coup jusqu’à des vitesses presque supersoniques. Il fallait désactiver le logiciel de contournement de sécurité du système de commandes de vol électriques, destiné à empêcher les pilotes en service opérationnel d’approcher même de loin de cette vitesse limite. Il a fallu ensuite suivre divers scénarios d’excursion critiques pour montrer que l’avion, une fois le système de commandes de vol électriques activé, assure une protection même aux valeurs limites de son enveloppe de vol. « Ce type d’essais exige beaucoup d’espace aérien et de surveillance », dit M. Ling.
Similaire, mais meilleur
L’innovation est un processus de répétition aligné sur les essais. Au début du programme d’essais des avions Global 5500 et Global 6500, bien avant la certification, le centre des essais en vol a joué un rôle clé dans l’évolution de la conception de l’aile. Prenez le bord d’attaque redessiné, par exemple : après modélisation et analyse approfondies des ailes, les ingénieurs de Bombardier ont élaboré un profil aérodynamique amélioré. Après avoir calculé les avantages potentiels sur le plan du rendement carburant et de la vitesse, ils ont fait appel aux pilotes d’essai pour tester– et confirmer – en vol l’aspect théorique en habillant l’aile de l’avion de « sondes » de turbulence. Cet habillage par des bandes de fils disposées en grilles sur l’aile permet l’analyse de la direction et de la force de l’écoulement de l’air.
Le centre d’essais en vol a une devise : similaire, mais meilleur. Les essais des avions Global 5500 et Global 6500 consistaient moins à réinventer la roue qu’à tirer profit des forces de leurs prédécesseurs. Non seulement est-ce un moyen beaucoup plus efficace et efficient d’innover, mais c’est également beaucoup plus facile pour les propriétaires et exploitants d’avions Global d’effectuer la transition à la dernière génération. C’est peut-être la plus importante innovation de toutes pour ces avions : en se concentrant sur de nombreuses améliorations de performance subtiles, mais significatives, le pilote vit une expérience rassurante, car familière – avec des avantages supplémentaires. « Dans les essais des avions Global 5500 et Global 6500, nous voulions nous assurer que l’impression à bord serait similaire à celle des avions Global 5000 et Global 6000 », a indiqué Ling. « C’est la première impression, ensuite, les avantages de la nouvelle technologie de chaque avion – des vitesses plus élevées, la consommation de carburant – commencent à apparaître, comme une agréable surprise. »
Essais décisifs
Les scénarios d’excursion permettent de constituer des programmes d’essais fascinants et souvent créatifs dans tous les types de conditions. Au Colorado, par exemple, Richard Ling et son équipe ont utilisé les aéroports en haute altitude pour tester des décollages à un seul moteur avec traînée configurée (train sorti, volets sortis, etc.). Ils ont également soumis l’avion Global 7500 au climat glacial d’Iqaluit (Nunavut) et au climat chaud de la bien nommée Thermal (Californie), pour s’assurer que l’avion résiste aux températures et conditions météo extrêmes. Pour des essais météo plus pointus, l’équipe est allée tester l’avion sous des températures et densités nuageuses très précises au laboratoire climatique McKinley de la base aérienne d’Eglin (Floride).
L’an dernier, Bombardier a établi une norme de référence pour l’industrie grâce aux essais d’ingestion d’eau du programme d’avion Global 7500. La réglementation exige de démontrer que l’avion soit apte à décoller et à atterrir sur des pistes « contaminées » par de l’eau stagnante. L’essai comporte des décollages et atterrissages simulés sur des pistes avec des creux gorgés d’eau à différentes profondeurs et des pistes « contaminées » par de l’eau stagnante pour démontrer que le panache d’eau ne présente pas de risque opérationnel pour l’avion. L’équipe a effectué ces essais en mars 2018 sur la piste d’atterrissage de la navette du Centre spatial Kennedy – une première pour une équipe civile. « C’était l’endroit idéal pour simuler ces décollages en toute sécurité », dit M. Ling. « Nous avons choisi la piste la plus longue et la plus large et nous avons placé le creux au beau milieu. Nous n’avons constaté aucun problème. Nous disposions encore de beaucoup de longueur de piste pour les atterrissages simulés, et nous n’avions pas à poursuivre par un décollage. Nous pouvions toujours immédiatement – et en toute sécurité – arrêter pour inspecter l’avion. »
Il faut un groupe de professionnels qualifiés de haut niveau pour s’assurer qu’un nouvel avion est bien prêt pour le monde réel, et l’équipe des essais en vol de Bombardier nous soutient à chaque étape du lancement d’un avion.
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