Après un breffage pré-vol d’une heure, Grabman, Karnes et Povall sont montés à bord de l’avion. Compte tenu de la haute altitude de l’essai, ils devaient enfiler combinaison de vol, casque et masque à oxygène, conformément au protocole de sécurité des essais en vol de Bombardier. L’avion a décollé à 7 heures et a monté à 40 000 pieds, où il avait rendez-vous avec l’avion d’escorte de la NASA – que le copilote Jeff Karnes connaissait bien. « Je l’ai vu par la fenêtre et j’ai tout de suite reconnu le même Hornet F/A-18B que j’avais piloté quand j’étais membre de l’escadron des avions d’essai (maintenant le VX-23) à la base aérienne de Patuxent River de la Marine américaine, au Maryland. La NASA ne l’avait pas même repeint, et il arborait encore les couleurs des VX-23 Salty Dogs de mes années de pilote d’essai dans la Marine. »
Volant en formation, les deux avions ont monté à une altitude de 50 000 pieds, où le pilote du F/A-18 a fait appel à ses brûleurs de postcombustion pour réussir à suivre l’ascension de l’avion d’essai Global 8000. À l’altitude convenue, l’avion a commencé sa descente en accélération vers le Mach cible pour commencer le premier de plusieurs essais. Ceux-ci comprenaient des évaluations de contrôlabilité de roulis, lacet et tangage, suivies de remontées de 1,5 à 2,0 G avec déporteurs déployés, tout en se rapprochant de plus en plus de la vitesse du son.
Après une montée finale à 50 000 pieds, avec l’avion d’escorte en position et l’équipe de la salle de télémétrie au sol à Santa Maria qui confirmait que l’équipement de surveillance était bien opérationnel, il ne restait qu’à écrire une page d’histoire. Tous les mois de planification, de préparation et de formation aboutissaient à cet instant-là. Jeff a légèrement pointé le nez de l’avion vers le bas, poussé les manettes et observé le Mach augmenter, Mach 0,95, Mach 0,96, Mach 0,97, Mach 0,98, Mach 0,99. Puis Jim Less, le pilote de l’avion d’escorte de la NASA, s’est exclamé dans son casque d’écoute « Nous y sommes, je le sens. Nous atteignons Mach 1. » Sur l’affichage de vol principal, l’indicateur de Mach a dépassé 1,0, confirmant que l’avion avait atteint la vitesse supersonique comme prévu, sans aucun problème de contrôle.
Ed, Jeff et Ben ont ainsi marqué l’histoire de l’aviation, en devenant les pilotes les plus rapides de l’aviation d’affaires et en intégrant Bombardier pour toujours dans les annales de l’aviation comme le constructeur du premier avion d’affaires sur mesure à effectuer officiellement un vol supersonique, et ce, avec du carburant d’aviation durable (SAF). Pendant quelques heures, ils ont répété les essais supersoniques, allant graduellement de plus en plus vite, franchissant maintes fois le mur du son jusqu’à atteindre finalement une vitesse maximale de Mach 1,015.
À l’atterrissage, les hommes les plus rapides de l’aviation d’affaires ont eu droit à un accueil de stars par l’équipe de Santa Maria, mais sans paparazzis. Le Projet Sunrise s’est déroulé sous le sceau du secret, où tous, y compris l’équipe vidéo présente pour le documenter, avaient signé une entente de confidentialité. Il était essentiel que rien ne transpire à propos de ce vol – surtout chez les concurrents de Bombardier – tant que le Global 8000 n’était pas officiellement présenté au monde. Ce grand jour a eu lieu presque exactement un an plus tard, le 23 mai 2022, au salon annuel 2023 de l’aviation d’affaires européenne (EBACE) à Genève, où le Projet Sunrise a été rendu public pour la première fois. La réaction du monde entier a été sensationnelle, suscitant l’intérêt des médias de toute la planète et de presque toutes les grandes plateformes de nouvelles, ainsi que l’enthousiasme des clients de Bombardier. L’avion Global 8000 de Bombardier avait volé plus vite que tout autre avion civil depuis le Concorde, inaugurant une nouvelle ère pour l’aviation d’affaires.