Dans le monde des courses de Formule 1, le nom de Toto Wolff est aussi légendaire que celui des Lewis Hamiltons ou Michael Schumachers de ce sport. Pourtant, contrairement au panthéon des champions arrosés de champagne alors qu’ils exhibent leur trophée au-dessus de la piste de F1, c’est dans les coulisses que brille l’éclat de Wolff. L’entrepreneur, dirigeant de course automobile et investisseur autrichien, est le directeur de l’écurie de Formule 1 Mercedes-AMG PETRONAS. Il détient également une participation de 33 pour cent dans l’écurie et a joué un rôle important dans sa grande réussite des dix dernières années. L’importance de tout cela n’est pas à prendre à la légère : Mercedes-AMG PETRONAS est la seule écurie à détenir huit titres consécutifs de constructeur, de 2014 à 2021, dans l’histoire du sport.
La formule gagnante
Directeur de l’écurie de Formule 1 Mercedes-AMG PETRONAS, Toto Wolff explique ce qui alimente sa passion, et son nouveau rôle d’ambassadeur mondial de la marque Bombardier.
De Ève Laurier - 24 mai 2023
Wolff n’a certes pas pris la voie rapide de la notoriété. Bien avant de devenir un géant de l’univers de la F1 et de reprendre le flambeau d’ambassadeur mondial de la marque Bombardier, il a développé son esprit d’entreprise et son goût de l’aventure. Ancien coureur lui-même, Wolff est un homme qui comprend les moindres détails de la F1, qu’ils soient techniques ou physiques. Il a l’enthousiasme et la détermination pour conduire son écurie à la victoire, mais ce sont son charme et son charisme qui lui ont valu le statut de célébrité.
Wolff, 51 ans, est l’ultime « Surhomme » nietzschéen : il parcourt le monde, parle cinq langues, aime l’art contemporain et l’architecture brutaliste, c’est un mari et un père aimant, et il est engagé dans plusieurs organismes d’aide (Save a Child’s Heart, le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés et la Fondation Mary-Bendet, entre autres).
Cette vie qui ressemble à un conte de fées n’a rien à voir avec la chance et doit tout au dynamisme. En effet, Wolff a réussi par ses propres moyens, dans tous les sens du terme. Durant son enfance à Vienne, il a vu son père combattre un cancer du cerveau pendant 10 ans et finir par en mourir (Wolff n’avait alors que 15 ans). Comme il l’indiquait au magazine Insider, ce drame lui a enseigné l’autonomie : « je me souviens de m’être dit, enfant : “tout ce que je veux, c’est de me prendre en charge”. Je crois que c’est une grande part de ce qui a fait de moi celui que je suis aujourd’hui. »
À 22 ans, Wolff abandonnait sa courte carrière de coureur pour se concentrer sur son autre passion : les finances. Il a fondé sa propre société de placement, Marchfifteen, en 1998, suivie par Marchsixteen en 2004. Il est brièvement revenu à la course automobile et a eu à un certain moment pour partenaire Mika Häkkinen, deux fois champion mondial de F1, pour former une société de gestion de pilotes. Mais ce n’est qu’en 2009 que Wolff a fait des vagues dans l’univers de la Formule 1 en investissant dans l’écurie Williams. Il y a rapidement assumé les fonctions de directeur général, menant Williams à sa première victoire en huit ans au Grand Prix d’Espagne de 2012. Wolff est ensuite passé à l’écurie rivale de Mercedes à peine un an plus tard, et le moins qu’on puisse dire, c’est que les dix dernières années ont été couronnées de succès.
Wolff est entré à l’écurie Mercedes en même temps que Lewis Hamilton et à eux deux, ils ont marqué l’histoire. Son arrivée a contribué à la réussite inégalée de Mercedes : Hamilton a remporté six championnats du monde avec Mercedes.
Beaucoup d’experts attribuent les réalisations de l’écurie au style de leadership de Wolff. Par exemple, la professeure Anita Elberse, de l’école d’administration de Harvard, a rédigé une récente étude de cas sur les pratiques de gestion de Wolff. Ses leçons sur la construction d’une équipe gagnante, comme l’a illustré Wolff, comprennent l’établissement de normes élevées pour tous et l’analyse continue des erreurs, même dans la victoire. « Nous sommes sans pitié et transparents dans l’analyse de nos propres résultats », dit Wolff dans un épisode de Formula 1: Drive to Survive, série documentaire populaire de Netflix sur le sport. « Très vite, nous savons pourquoi nous n’avons pas bien performé. Si vous comprenez pourquoi vous n’avez pas réussi à répondre à vos propres attentes, vous pouvez avancer et vous améliorer pour la prochaine course. »
Cette conscience de soi a bien servi Wolff. Après dix années de triomphe, Mercedes a connu certains reculs depuis quelques années. Lewis Hamilton a perdu le titre des pilotes en 2021 au cours d’une épreuve controversée au Grand Prix d’Abu Dhabi qui a vu Max Verstappen de l’écurie Oracle Red Bull Racing l’emporter sur Hamilton après un changement de dernière minute dans les règles adopté par le directeur de course de F1 à l’époque, Michael Masi. Ensuite, en 2022, Mercedes est arrivée au troisième rang de la F1, derrière Red Bull et Scuderia Ferrari. Pour Wolff, ces défis ne font que renforcer sa détermination.
« J’ai évolué personnellement dans ce processus », dit-il à Mme Eleberse de l’école d’administration de Harvard dans une récente entrevue du Harvard Business Review. « J’ai toujours fait de l’introspection. Et cette année, je reconnais avoir fait erreur plusieurs fois… ma tendance à la microgestion… en a probablement dérangé probablement plusieurs, chez les responsables du côté scientifique… Dans certains domaines, je dois me mettre en retrait et faire confiance aux autres. » Pourtant Wolff a confiance en l’avenir de son écurie, voyant ses récents obstacles sous un jour positif : « Les journées où nous avons perdu, ce sont les journées que nos concurrents regretteront le plus, car ce sont des journées où nous aurons appris… Ce qui nous rendra plus forts. Nous nous relèverons. »
Quand il est question de la réussite de Mercedes, Wolff partage rapidement la vedette avec ses collègues de l’écurie (on parle souvent avec enthousiasme de l’atmosphère familiale qui règne). « Chaque membre de l’équipe est important, il n’y a pas d’emploi inutile », me dit-il après un hommage à feu Niki Lauda – le pilote de F1 et entrepreneur d’aviation qui était président non exécutif de Mercedes jusqu’à sa mort en 2019. En novembre, Mercedes a rebaptisé « Lauda Drive » la route qui mène à son centre de technologie de Brackley (à une centaine de kilomètres au nord-ouest de Londres).
« Chaque membre de l’équipe est important, il n’y a pas d’emploi inutile »
Wolff a de beaux souvenirs de Lauda, attribuant beaucoup de ce qu’il a appris à cette légende de la F1. « C’était mon ami le plus proche… Nous avons assisté ensemble à toutes les courses. Je n’ai jamais eu de mentors, mais j’ai eu des relations avec des gens dont je pouvais apprendre quelque chose. Niki était l’un de ceux-là. Nous étions tous deux entrepreneurs. Son style de gestion était très différent du mien, mais il a influencé mon évolution à la fois d’être humain et de dirigeant. Il pouvait dire des choses comme “ tu réfléchis trop ” ou “ tu te compliques la vie ”. Cette simplicité m’inspire encore. »
Pourtant, la simplicité n’est pas le premier mot qui vient à l’esprit à propos de Wolff, mais c’est tout à fait indiqué quand on pense à sa vie personnelle. En 2011, Wolff a épousé Susie Stoddart, ancienne pilote de course professionnelle, directrice et présidente d’écurie de Formule E. Ils ont un fils de cinq ans, Jack, et malgré sa vie nomade, il dit que « là où se trouvent sa femme et ses enfants », c’est chez lui (Wolff a deux enfants d’un précédent mariage). Ces jours-ci, ils sont basés à Monaco – où il peut se détendre avec sa famille, peut-être prendre un café chez Cova, son établissement de prédilection, ou admirer la Méditerranée. à l’extérieur de l’Europe, il aime les grands centres comme New York et Los Angeles : « ces villes ont un cœur et une histoire. Elles ont une âme. »
L’approche de Wolff en matière de loisirs est tout aussi simple. Il adore lire (tout ce qui touche la philosophie, les finances, l’histoire) et affirme que même les gens les plus occupés peuvent trouver le temps de faire des choses qu’ils aiment. Pour Wolff, les affaires doivent se nourrir de plaisir, et il considère la littérature sous ses nombreuses formes comme une stratégie d’affaires. « Quand les gens disent qu’ils ne trouvent pas le temps de lire ou de réfléchir, c’est qu’ils ne savent pas bien gérer leur temps, dit-il. Pour être un gestionnaire efficace, il faut se réserver des périodes pour mettre le cerveau en pause et refaire le plein d’énergie. »
Néanmoins, Wolff est toujours en mouvement. En 2022, 23 courses ont eu lieu dans le monde entier pendant la saison de F1. Cela signifie qu’il voyage plus de 200 jours par an. « Pour le moment, je passe environ 450 heures dans un avion », me dit-il. Pas étonnant qu’il soit pointilleux à propos du savoir-faire. « Lorsque nous avons créé l’intérieur de mon dernier avion, nous avons consacré des semaines entières à concevoir le fauteuil, les coutures, le tissu. J’adore ça. Voir un expert qui confectionne un objet, c’est quelque chose que je peux suivre pendant des heures et des heures, car ce sont les détails qui importent. Que ce soit du jardinage ou la fabrication de quelque chose, j’aime le sentiment de perfection. »
Il parle des avions avec autant d’enthousiasme que des voitures, ce qui explique pourquoi Bombardier l’a récemment choisi comme ambassadeur mondial de sa marque. Wolff est un client de Bombardier depuis plus de 15 ans, à commencer par les gammes Learjet et Challenger jusqu’au biréacteur Global 6000. « Je m’intéresse à l’aéronautique surtout à cause de la précision. Il y a beaucoup d’aspects en commun avec la Formule 1, dit-il. Chaque petit détail est important pour moi. Je pense que nous avons passé mille fois en revue la palette Pantone avant de trouver la bonne couleur pour mon avion. D’autres collectionnent les œuvres d’art ou les voitures anciennes. Pour moi, c’est la combinaison de la technologie et du voyage à l’esthétique et à l’aérodynamique qui me fascine. »
Comme toujours, la technologie est au cœur des préoccupations de Mercedes. L’écurie prévoit de continuer à peaufiner la voiture W14, qui était déjà une amélioration par rapport à la W13 de 2022. Une partie du génie de Wolff est la façon dont il surveille les prouesses mécaniques de chaque véhicule. « Tout est une question d’écoulement d’air, de distribution de la masse, de la carte de l’écoulement d’air », a-t-il indiqué à PlanetF1.com. « C’est plein de surprises. » Avec ce souci du détail, Wolff est prêt à affronter tous les embranchements de la route comme une occasion de guider sa réussite.
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