Vue des îles Féroé
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Explorez les îles Féroé

Visitez des sommets et des vallées secrètes appartenant au royaume du Danemark

Falaises de l’île Suðuroy
Vue aérienne des falaises de l’île Suðuroy (courtoisie de REMÓT Travel)

Par un lundi brumeux de juin, notre hélicoptère descend sur un pâturage vert électrique de Koltur, l’une des plus petites des îles Féroé. Les hautes herbes s’écartent pendant l’atterrissage, et une famille de moutons à queue courte regarde dans notre direction – ils ont droit à des vents autrement plus spectaculaires que la petit souffle de nos pales.  

Pourtant, notre arrivée doit leur sembler étrange. Sur la tourbière spongieuse, en pleine haute saison, je ne vois personne pour nous accueillir, pas de passants, pas même un chalutier de l’Atlantique Nord. Seulement quelques cabanes de pierre abandonnées, et un gros rocher qui surplombe les herbes. Les bergers et les chaumiers qui ont occupé cette île pendant quelque 1 400 ans ont abandonné l’endroit depuis longtemps. Il n’y reste qu’un agriculteur nommé Bjørn. 

L’air embaume la bruyère et semble chuchoter. Avec mon guide Rasmus Rosendahl, j’arpente un sentier primitif de l’ancien hameau où Bjørn entretient la dernière cabane de bois habitable. Avec ses voisines au toit de chaume, un silo et une grange en pierre, elle forme une sorte de musée extérieur vivant; Rasmus l’appelle le « village viking ». Pendant qu’il prépare un goûter de charcuteries, de pain et de champagne, j’observe un nuage dériver au-delà de la montagne conique Kolturshamar. 

Ce n’est que le début du type d’aventure qu’offre l’entreprise de Rasmus, Remót Travel. Né dans cet archipel nordique qui a accueilli des moines irlandais, des Vikings et des Norvégiens avant de devenir un satellite autonome du Danemark, Rasmus a créé son entreprise dans la pause de la pandémie, car le modeste office de tourisme s’est réorienté vers la qualité et l’écoresponsabilité – ce qu’ils appellent la « préservolution ».  

Les préservolutionnaires ne recherchent ni les hôtels de glace ni d’autres lieux spectaculaires, comme des bâtiments vitrés ou de splendides cathédrales – la plus grande église des Féroé, une création moderniste en basalte appelée Christianskirkjan, dessert une ville de 5 000 habitants dans ce qui ressemble à une maison viking dernier cri. À mi-chemin entre l’Islande et Oslo, les Féroïens n’ont pas de ruines romaines à montrer. Et vous n’y trouverez pas de foules non plus, au-delà des plaisanciers de la marina de Tórshavn, la capitale. À l’hôtel Føroyar, établissement de luxe à flanc de colline, les visiteurs font des escapades d’un jour pour nager dans des lacs, observer des oiseaux (des macareux pour être exact), ou naviguer entre d’impressionnantes falaises volcaniques. Ou ils vont simplement manger dans de charmants restaurants comme le Barbara Fish House, spécialisé dans de délicieux mets à base de moules. Les îles Féroé vous accueillent dans leur univers dès votre descente initiale en douceur vers la piste au bord du fjord.

Vue des îles Féroé
Les superbes Îles Féroé (courtoisie de REMÓT Travel)

Dans ses excursions, Rasmus a pensé à tout et fait appel à une petite armée qui concrétise sa vision – tout un exploit avec une population d’environ 50 000 habitants. Après ma seconde flûte de mousseux, un canotier s’approche de la rive et je monte à bord de sa petite embarcation. Le long de la côte, sous une volée d’oiseaux, je repère mes premiers macareux : des centaines de becs vermillon fouissent l’herbe. Ils semblent nous appeler, leurs cris s’élevant des falaises marines et s’insinuant dans les grottes côtières. Petit à petit, leurs gloussements font place à un son plus doux, plus musical. Du jazz? 

« C’est notre saxophoniste », dit Rasmus, alors que nous commençons à discerner le musicien dans l’obscurité de la caverne. « Que pensez-vous de l’acoustique? » En plus de ses talents musicaux, c’est un maître de la litote. 

Les Féroïens adorent les visiteurs. « Recevoir des voyageurs ici, c’est très intéressant », dit Rasmus. Bien que le paysage enchante les citadins en visite, « nous finissons parfois par ne plus le voir ». Cependant, les Féroïens prennent garde de ne pas trop publiciser les vertus naturelles de leur patrie.  

L’expérience culinaire exclusive la plus populaire de Remót a lieu dans la petite cuisine extérieure d’un exportateur de fruits de mer, qui préfère rester anonyme – on le connaît comme étant le fournisseur de homards. Pourvoyeur de langoustines iridescentes à la famille royale saoudienne et au défunt restaurant Noma de Copenhague, il offre un menu dégustation qui intègre la quintessence des ingrédients locaux – dont l’agneau séché caractéristique des îles. « Nous appelons parfois cela de la “gastronomie brutaliste”, car c’est cru et grossier, et les fruits de mer sont frais du jour », indique Rasmus.  

Plat de poisson des îles Féroé
Foire des îles Féroé au Barbara Fish House (courtoisie de Barbara Fish House)

Un palais curieux est un atout ici, car le pays délaisse la culture standard de « viande et pommes de terre » pour sa propre fierté culinaire collective. « Quand je suis arrivée ici, il y a dix ans, impossible de trouver des oursins », dit Karin Visth, chef sommelière et directrice des trois meilleurs restaurants des Îles. « Nous avons maintenant quatre plongeurs. » 

Nous prenons place dans la salle à manger en bois du Ræst, probablement le plus pittoresque de ses restaurants, et c’est la réponse de Karin quand je laisse entendre que les îles Féroé s’inspirent de Copenhague comme le saint Graal de la nouvelle gastronomie nordique. Les jeunes créateurs féroïens reviennent à la maison après avoir étudié à l’étranger pour aider à transformer l’art culinaire ici. Les voyageurs viennent d’aussi loin que le Japon par le simple « bouche à oreille ». Ils goûtent au mouton et à la sauvagine, au poisson frais, aux herbes fermentées et à la cuisine simple… et trouvent l’expérience unique. 

Pourtant, les chefs féroïens freinent leurs instincts. « Si nous servions tout ce que nous mangeons à la maison, certains clients seraient rebutés par les saveurs intenses. » Au Ræst, nommé en l’honneur de la méthode de faisandage féroïenne, on conserve la perche, la morue, le gibier à plumes et l’agneau en les suspendant. Karin apporte la viande à la table en morceaux de type ceviche, parsemée d’herbes. 

Elle pourrait parler du faisandage pendant des heures. Vu sa formation de sommelière, elle compare les méthodes typiques du Ræst au terroir d’un vignoble : les saveurs varient si un mouton a utilisé certains muscles pour escalader des pentes raides, si la viande est suspendue pendant certaines périodes de l’année, ou si on faisande la viande dans une cabane en bois. 

Restaurant aux îles Féroé
L’intérieur de Barbara Fish House (courtoisie de Barbara Fish House)

Tout à côté, le restaurant affilié Roks sert des cyprines bien charnues et des mollusques bivalves appelés couteaux. « Personne ne sait même que les couteaux existent dans les îles Féroé, mais nous les cultivons. » Comme ils sont savoureux tels quels, le chef Poul Andrias Ziska n’applique que le minimum : beurre fondu et pincée de sel. Un troisième restaurant, le Koks, avec deux étoiles Michelin, doit rouvrir sous peu et promet aux gourmets une expérience féroïenne axée sur les produits locaux. 

Il existe sûrement un mot féroïen pour les plaisirs simples. Dans ces îles, les produits du terroir, c’est bien plus que du vin. Karin est bien d’accord. « À mon arrivée ici, on m’a demandé “qu’est-ce qui t’a pris?” Mais pour moi, il n’était tout simplement pas question de ne pas m’installer ici, dit-elle. Maintenant, tout le monde veut y venir. »  

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