Un palais curieux est un atout ici, car le pays délaisse la culture standard de « viande et pommes de terre » pour sa propre fierté culinaire collective. « Quand je suis arrivée ici, il y a dix ans, impossible de trouver des oursins », dit Karin Visth, chef sommelière et directrice des trois meilleurs restaurants des Îles. « Nous avons maintenant quatre plongeurs. »
Nous prenons place dans la salle à manger en bois du Ræst, probablement le plus pittoresque de ses restaurants, et c’est la réponse de Karin quand je laisse entendre que les îles Féroé s’inspirent de Copenhague comme le saint Graal de la nouvelle gastronomie nordique. Les jeunes créateurs féroïens reviennent à la maison après avoir étudié à l’étranger pour aider à transformer l’art culinaire ici. Les voyageurs viennent d’aussi loin que le Japon par le simple « bouche à oreille ». Ils goûtent au mouton et à la sauvagine, au poisson frais, aux herbes fermentées et à la cuisine simple… et trouvent l’expérience unique.
Pourtant, les chefs féroïens freinent leurs instincts. « Si nous servions tout ce que nous mangeons à la maison, certains clients seraient rebutés par les saveurs intenses. » Au Ræst, nommé en l’honneur de la méthode de faisandage féroïenne, on conserve la perche, la morue, le gibier à plumes et l’agneau en les suspendant. Karin apporte la viande à la table en morceaux de type ceviche, parsemée d’herbes.
Elle pourrait parler du faisandage pendant des heures. Vu sa formation de sommelière, elle compare les méthodes typiques du Ræst au terroir d’un vignoble : les saveurs varient si un mouton a utilisé certains muscles pour escalader des pentes raides, si la viande est suspendue pendant certaines périodes de l’année, ou si on faisande la viande dans une cabane en bois.